Démêler le vrai du faux
Le darkweb, partie cachée d’internet, suscite de nombreuses interrogations quant à sa légalité. Souvent associé à des activités illicites, il est pourtant plus complexe qu’il n’y paraît.
Explorons ensemble les aspects juridiques, les utilisations légitimes et les zones grises du darkweb pour comprendre s’il est véritablement illégal ou simplement mal compris.
Comprendre le darkweb : définition et fonctionnement
Contrairement à la surface web que nous connaissons tous, le dark web représente cette infime partie du Deep web qui est difficile d’accès et où l’anonymat. Cet espace caché ou obscur du net se caractérise par :
- Un accès très restreint ;
- Un anonymat maximal des utilisateurs ;
- Une utilisation des cryptomonnaies comme le bitcoin pour les transactions financières ;
- Une diversité de site, de pages et de contenus ;
- Des places de marché noir;
- Des communications confidentielles et sécurisées, etc.
Ces différents éléments font du darkweb une sorte de hors-piste dans l’univers numérique.
La législation autour du darkweb : un cadre juridique complexe
Dans l’imagerie populaire, le darkweb est une zone obscure, la partie mystérieuse du web.
Mais, bien que le cadrage juridique du darkweb s’avère complexe, il est à noter que de fait, tous les textes de réglementation de la cyber-délinquance ont vocation à s’appliquer aux activités de cette partie du web. C’est le cas de :
- La Convention de Budapest de 2001 en Europe ;
- La loi du 21 juin 2004 en France sur la confiance en l’économie numérique ;
- La Directive 2002/58/EC du Parlement européen, la loi Godfrain du 5 janvier 1988 sur la collecte de données à l’insu des personnes, spamming, phishing/pharming, usurpation d’identité ;
- Le Code français en ses articles 227-24 et 227-23 par exemple et la loi du 17 juin 1998 ;
- La Directive 2011/92/EU du Parlement européen sur la diffusion de contenus illicites, Diffamation, Incitation à la haine raciale, pédopornographie ;
- Le code de la propriété intellectuelle et la Directive européenne du 22 mai 2001 sur la contrefaçon de marques, d’œuvres, Liens commerciaux et cybersquatting.
Le darkweb est donc loin d’être une zone de non-droit.
Les utilisations légitimes du darkweb : protection de la vie privée et liberté d'expression
Contrairement aux destinations que les esprits malveillants ont données au darkweb, cet espace web restreint a été conçu à la base pour des objectifs nobles. Parmi les utilisations légales et bénéfiques du darkweb, on retrouve :
- Les communications sécuriséegrâce aux canaux qui protègent les informations sensibles contre l’interception ou la surveillance ;
- L’accès libre à des sites web ou à des ressources bloquées sans crainte de représailles pour les activistes et les journalistes dans certains pays ;
- Les recherches par les professionnels de la cybersécurité sur les cybermenaces;
- L’hébergement des contenus sensibles dans les pays aux régimes répressifs ;
- Les plateformes de dénonciation assurant la sécurité des lanceurs d’alerte, etc.
Telles sont les activités légales qui ont cours sur le darkweb.
Les activités illégales sur le darkweb : un terrain propice à la cybercriminalité
Telle une épée à double tranchants, le darkweb abrite aussi bien des activités légales qu’illégales. Sur cet espace d’expression des cyber criminels, voici quelques activités illégales qui sont menées :
- Le commerce d’articles illégaux (stupéfiants, armes, produits contrefaits et des données personnelles volées comme les identifiants des cartes de crédit ou identifiants de connexion) ;
- La proposition des services de cybercriminalité (conception des virus et autres types de malwares, lancement des attaques DDos, intrusions et infiltrations numériques ciblées) ;
- Les transactions financières anonymes obscures pour le financement des activités criminelles (terrorisme) ;
- Le partage d’informations sur les activités illicites de manière anonyme ;
Cet éventail d’utilisations met en lumière le côté tout à fait sombre du darkweb.
Naviguer sur le darkweb : est-ce légal ou illégal ?
Compte tenu de la variété de contenus (légaux et illicites) que l’on retrouve sur le darkweb, la question de la légalité de la navigation sur ce dernier se pose.
Si la réponse à cette question peut être différente d’un pays à l’autre, il est utile de rappeler que par nature, naviguer sur le darkweb n’est pas illicite.
En effet, l’anonymat qui caractérise cet espace numérique renforce la protection de la vie privée, une liberté fondamentale consacrée par la Convention européenne des droits de l’homme (en son article 8) et les codes civils.
Pour un défenseur des droits de l’Homme, c’est un espace idéal pour communiquer librement.
Mais pour un utilisateur lambda, lorsque la navigation sur le darkweb a pour objet l’achat des biens et services illicites (drogues, armes, données détournées, malwares), il se trouve impliqué dans une infraction pénale.
Comment les autorités luttent-elles contre la criminalité sur le darkweb ?
Face aux activités criminelles grandissantes sur le darkweb, les gouvernements de différents pays utilisent plusieurs méthodes pour traquer les cybercriminels.
Pour sévir dans le darkweb, les forces de l’ordre réalisent des transactions dans le darkweb pour remonter les filières.
Les polices spécialisées surveillent les sites du darkweb en couplant les informations des utilisateurs de ces services avec des données publiques, par exemple les pseudonymes. Elles optent également pour la création des vrais faux sites pour identifier les délinquants.
Une autre technique consiste à créer et compromettre des nœuds d’accès pour intercepter les accès des cybercriminels.
Les risques légaux et de sécurité liés à l'utilisation du darkweb
Tout internaute qui prend l’initiative de naviguer sur le darkweb s’expose à des risques légaux et de sécurité numérique.
Type de risque encouru | Conséquences |
---|---|
Risque de sécurité et de confidentialité | Exposition aux stratégies de phishing des pirates informatiques qui volent les identités à des fins d’extorsion et collectent des informations personnelles frauduleusement |
Risques juridiques | Expositions aux poursuites pénales, amendes et peines d’emprisonnement de la part des pouvoirs publics dans le cadre de leurs actions ciblés sur le darkweb |
Le rôle des cryptomonnaies dans l'économie du darkweb
Dans l’univers numérique mystérieux du darkweb, les cryptomonnaies sont largement plébiscitées compte tenu des garanties en termes d’anonymat et de confidentialité qu’elles offrent. Sur le plan légal, l’utilisation de ces monnaies implique :
- Un impact grandissant sur la réputation de ces monnaies virtuelles ;
- L’opacité totale dans les transactions financières menées ;
- Un essor des infractions sur comptes liés aux cryptomonnaies;
- La facilitation du transit d’argent sur des plateformes d’échanges centralisées sans corruption de l’identité des hackers ;
- Une stigmatisation des cryptomonnaies en dépit des marchés réglementés, etc.
Exemples d'opérations policières réussies contre des plateformes illégales du darkweb
Dans leur lutte acharnée contre les acteurs malveillants du darkweb, quelques gouvernements par le biais de leurs polices comptent à leur actif des opérations spectaculaires réussies contre des plateformes illégales. Voici des exemples :
Cas d’arrestation ou de fermeture | Description |
---|---|
Fermeture de AlphabayMarket, le plus grand site de vente du darkweb | Le 20 juillet 2017, la FBI ferme ce site caché qui rassemblait 200 000 utilisateurs dont 40 000 vendeurs proposant 250 000 produits narcotiques, ainsi que des armes et virus informatiques |
Fermeture de Hansa | Juillet 2017 toujours, ce site de vente d’armes sur le darkweb est annoncé fermé par le ministre américain de la jusitce |
Fermeture de Silk Road | En février 2013 le site de vente dédié aux drogues Silk Road est fermé et ses exploitants arrêtés |
Fermeture du site Hydra Market | Courant 2020, le parquet de Francfort met un terme aux activités de ce site de blanchiment d’argent sur le darkweb avec ses 19 000 comptes vendeurs |
Les outils d'anonymisation : Tor et VPN sont-ils légaux ?
La navigation sur le darkweb se fait à l’aide de navigateurs spécifiques comme Tor et des VPN. Au-delà de l’anonymisation que permettent ces outils, des interrogations se posent quant à leur légalité.
Sur le plan légal, l’utilisation de Tor :
- Est gratuit, open source et décentralisé, ce qui le rend accessible à tous les utilisateurs et garantit sa résistance à la corruption ;
- Bénéficie d’un chiffrement multicouche, ce qui épargne les données du chiffrement une fois sorties du réseau Tor ;
- Donne accès aux sites onion proposat des bien difficiles à trouver ailleurs.
Quant au VPN (virtual private network), il :
- Transporte les données entrantes et sortantes par un tunnel sécurisé ;
- Bénéfice du cryptage fort AES-256 pour empêcher la lecture des activités en ligne par d’autres utilisateurs ;
La position des gouvernements face au darkweb : entre répression et tolérance
D’un gouvernement à l’autre, les positions face au darkweb sont mitigées et varient entre répression et tolérance. Face à la progression fulgurante des transaction illégales sur le darkweb, les gouvernements optent pour :
- Une perturbation des activités des cyber-délinquants par l’amélioration des capacités des forces de l’ordre comme c’est le cas avec le FBI aux USA ;
- La fermeture des sites réputés du darkweb comme ce fut le cas avec Hansa, Silk Road et AlphaBayMarket aux USA ;
- L’arrestation des administrateurs et la fermeture des sites en Allemagne comme ce fut le cas avec Hydra Market ;
- La mise en œuvre d’opération de levée d’anonymat des serveurs Tor pour localiser les pages Web Tor menant des activités illicites ;
- La prise de contrôle des sites de darkweb pour démanteler d’autres dans ce réseau secret au Pays-Bas ;
- L’adoption des nouvelles réglementations par les pays européens pour réguler le secteur des cryptomonnaies (recommandation de juin 2019 du Groupe d’action financière) ;
- Un durcissement des mesures dans les régimes autoritaires concernant le darkweb et une restriction des libertés numérique, etc.
En fonction de leurs aspirations, les postures des gouvernements face au darkweb ne sont pas les mêmes.
L'avenir du darkweb : évolutions technologiques et défis juridiques
Évidemment, il existe plusieurs prédictions qui sont faites relativement au darkweb pour les années avenir.
Selon les experts en cybersécurité, il faudra dans les prochains mois s’attendre à voir des fuites de nudes à la mode sur le darkweb. En d’autres termes, on assistera à encore plus d’attaques, où des photos de personnes nues seront divulguées.
Les criminels peuvent également utiliser l’IA ou la technologie deepfake pour créer de faux nudes afin de tromper leurs acheteurs.
Sur le darkweb, Les comptes ChatGPT piratés et les tutoriels sur l’utilisation de l’IA pour les attaques vont gagner en popularité.
En plus du nombre de délinquant qui va augmenter, les données clients vont se vendre comme des petits pains. Dans tout cela, l’authentification biométrique ne sera pas forcément la solution.
Les arguments en faveur et contre la régulation du darkweb
La régulation du darkweb est diversement appréciée par les acteurs et les gouvernements. À l’opposé des arguments qui militent en faveur d’une plus grande réglementation du secteur, s’opposent des arguments de circonstances
Il est possible de réguler le darkweb par :
- La pénalisation de ses usages criminels et délictueux ;
- Une accentuation des méthodes d’espionnage des acteurs de cette zone de crimes numériques ;
- Les nécessités posées par les mutations des activités criminelles dans l’espace cybernétique.
Cette législation du darkweb peut se heurter à la difficulté à trouver l’équilibre entre la protection des libertés numériques et la lutte contre la criminalité en ligne.
La distinction entre deep web et darkweb : clarifier les malentendus
Généralement, l’on a tendance à confondre les concepts de darkweb et de deepweb. Au demeurant, les deux notions renvoient à deux réalités bien différentes.
À côté de la surface visible du web, on retrouve le web profond ou deep web qui représente environ 90% d’Internet. Ce dernier est constitué d’un ensemble de pages non indexées mais accessibles via un navigateur classique.
Un pallier plus bas, on retrouve le darkweb qui recense les sites cachés ou non indexés, inaccessibles par les navigateurs classiques.
Parlant de contenus, le darkweb propose des contenus visibles par des logiciels et protocoles spéciaux contrairement au deepweb.
Le darkweb dans le contexte actuel est utilisé à plusieurs fins : pour des recherches, des dénonciations mais surtout pour des activités criminelles (vente d’armes, de stupéfiants, de données volées).
Sur le plan de la légalité, la navigation sur le deep web ne pose aucun problème tandis que la navigation sur le darkweb présente des ambiguïtés.
Conseils pour une utilisation sûre et légale du darkweb
Si l’utilisation du darkweb n’a rien d’illégal à la base, la frontière entre la légalité et l’illégalité, une fois qu’on s’y trouve, est très mince. Voici quelques bonnes pratiques pour éviter d’enfreindre la loi une fois sur le darkweb :
Bonne pratique | Contenu/Intérêt |
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Utiliser un navigateur spécialisé comme Tor | Ces outils sont conçus pour garantir votre sécurité en rendant difficile la traçabilité de votre activité sur le darkweb |
Éviter les liens suspects et le téléchargement des fichiers de diverses sources | Risque d’être impliqué dans des pratiques dangereuses du point de vue légal |
Éviter les offres trop alléchantes et transactions douteuses | |
Utiliser un réseau privé virtuel (VPN) | Le VPN permet de masquer votre adresse IP pour renforcer votre anonymat et protéger vos données personnelles |